• Les Vieux extrait de Daudet

     

     

    L’autre aier en manjant li fru de la sesoun, li cereiso, me siéu ramenta aquèu, ufanous demié lis autre, conte de Daudet : « Li vièi », m’agrado de vous n’en douna un tai.

     

    L’autre jour, en mangeant les fruits de la saison, les cerises, je me suis souvenu de ce, magnifique conte, parmi les autres, de Daudet ; Les Vieux, c’est avec plaisir que je vous en transmet un morceau.

     

    D’aquéu tèms, un drame terrible se debanavo à l’autre bout de la chambro, davans l’armàri. S’agissié d’ajougne en aut, sus la darniero post, un certan boucau de cereiso à l’aigo-ardènt qu’esperavo Maurise despièi dès an e que l’on voulié me durbi. Mau despié di suplicacioun de Mameto, lou vièi avié tengu d’ana querre éu-meme si cereiso ; e, quiha sus uno cadiero au grand esfrai de sa femo, assajavo d’arriva aqui aut... Vesès d’eici lou tablèu, lou vièi que tremolo e s’estiro, li pichòti bluio rampounado à sa cadiero, Mameto darrié éu desalenado, li bras para, e sus lou tout un lougié prefum de troumpo-pastre que s’eisalo de l’armàri dubert e di gràndi pielo de linge rous... Ero charmant.

    A la longo, après proun peno, s’avenguè de lou tira de l’armàri, aquéu famous

    boucau, e emé éu uno vièio timbalo d’argènt, la timbalo de Maurise quand èro pichot.

    Me la rampliguèron à ras de cereiso; Maurise lis amavo tant li cereiso! E dóu tèms que me servié, lou vièi me disié à l’auriho ‘m’ un èr lipet :

    - Sias bèn urous, vous, de pousqué n’en manja!... Es ma femo que lis a facho...

    Anas tasta quicon de bon.

    Ai-las ! sa femo lis avié facho, mai avié oublida de li sucra. Que voulès ! l’on

    devèn distra en se fasènt vièi. Eron abouminablo, vòsti cereiso, ma pauro Mameto...

    Mais acò m’empachè pas de lis empassa fin qu’au bout, sènso ciha.

     

     

    Pendant ce temps, un drame terrible se passait à l’autre bout de la chambre, devant l’armoire. Il s’agissait d’atteindre là-haut, sur le dernier rayon, certain bocal de cerises à l’eau-de-vie qui attendait Maurice depuis dix ans et dont on voulait me faire l’ouverture. Malgré les supplications de Mamette, le vieux avait tenu à aller chercher ses cerises lui-même ; et, monté sur une chaise au grand effroi de sa femme, il essayait d’arriver là-haut… Vous voyez le tableau d’ici, le vieux qui tremble et qui se hisse, les petites bleues cramponnées à sa chaise, Mamette derrière lui haletante, les bras tendus, et sur tout cela un léger parfum de bergamote qui s’exhale de l’armoire ouverte et des grandes piles de linge roux… C’était charmant.

    Enfin, après bien des efforts, on parvint à le tirer de l’armoire, ce fameux bocal, et avec lui une vieille timbale d’argent toute bosselée, la timbale de Maurice quand il était petit. On me la remplit de cerises jusqu’au bord ; Maurice les aimait tant, les cerises ! Et tout en me servant, le vieux me disait à l’oreille d’un air de gourmandise :

    -Vous êtes bien heureux, vous, de pouvoir en manger !… C’est ma femme qui les a faites… Vous allez goûter quelque chose de bon.

    Hélas sa femme les avait faites, mais elle avait oublié de les sucrer. Que voulez-vous ? on devient distrait en vieillissant. Elles étaient atroces, vos cerises, ma pauvre Mamette… Mais cela ne m’empêcha pas de les manger jusqu’au bout, sans sourciller.

     

     

     

      

     

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  • Commentaires

    1
    Claude
    Dimanche 30 Mai 2021 à 08:49
    Ma gran avié toujours di cereiso à l'aigo-ardènt à durbi
    2
    JO
    Dimanche 30 Mai 2021 à 09:07

    Un vertadié plési ! gramaci

    3
    Dimanche 30 Mai 2021 à 10:01
    Quelle belle histoire ! Comme je les aime ! D'audit savait si bien parler d’amour... et ce bocal en est plein !
    Bon et beau dimanche à tous et surtout à toutes les mamans passées, présentes et futures
    Bises
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